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Olivia Tchemako

Images de Soi et de l’Autre dans les discours européens et africains aux Nations Unies

Sous la direction de Michèle Monte & Damon Mayaffre

Cette thèse s’applique à la question de la construction de l’image au sein d’une institution internationale, l’Organisation des Nations Unies. En effet, les Nations Unies sont une organisation internationale fondée en 1945, après la seconde guerre mondiale, et ayant pour finalité le maintien et la consolidation de la paix dans le monde. Elles peuvent aussi être considérées comme un ministère de la parole, dans la mesure où elles constituent une instance délibérative par excellence, où sont votées des décisions visant le bien-être de la planète entière, et où la plupart des Etats sont représentés, ont leur droit à la parole et exercent leur influence par le discours. Ainsi, de par son organisation, ses objectifs et les moyens mis en œuvre pour les atteindre, l’Organisation se donne à voir, en principe, comme le gendarme du monde, ou encore le gardien de la paix dans le monde. Elle construit de cette façon une identité qui correspond aux principes et aux valeurs qu’elle défend. Cependant, l’ONU est fréquemment critiquée pour son inefficacité. En effet, on a très souvent pointé du doigt ses insuffisances, qui se sont révélées tout au long de son parcours. Elle affronte donc depuis longtemps le reproche de ne pas atteindre les objectifs qu’elle s’est assignés. Malgré cette gêne, il n’en demeure pas moins que l’Organisation se positionne toujours (au moins en discours) en tant que gardien de la paix mondiale, et tend toujours à se légitimer à ce titre. Et à voir la place qu’elle occupe dans la communauté internationale, les différents États membres de l’ONU semblent aussi lui reconnaitre cette identité (au moins en discours).
Partant de ces constats, le projet de thèse aspirait à comprendre comment l’ONU construit son image en discours. Comment les discours de l’ONU et à l’ONU contribuent-ils à entretenir (ou pas) l’image de l’organisation et les attentes à son égard ?
Dans ce cadre spécifique des Nations Unies, la question de l’image des États membres a particulièrement retenu notre attention. On sait que l’Organisation avait été créée, initialement, pour fournir une plateforme de discussion et de négociation après que le monde eût connu de violents conflits provoqués par l’antagonisme entre différents pays. Mais elle a dû dès ses débuts faire face aux antagonismes entre l’Est (Union soviétique et satellites) et Ouest, puis les mouvements de décolonisation. Plus récemment l’Afrique et le Moyen Orient ont subi de nombreuses guerres, aux causes diverses. Sur le plan économique, les inégalités de développement ne se sont guère réduites, la dette pèse d’un poids très lourd sur les budgets de nombreux pays, de graves crises financières se sont succédé, et la planète est maintenant confrontée aux conséquences dramatiques du changement climatique. Les Etats membres défendent souvent des intérêts très conflictuels, dans une enceinte onusienne qui, elle, vise le bien commun. Sachant cela, on peut se demander si, dans leur présentation de soi à l’ONU, les États membres mettent en avant le consensus, ou si chacun tend à se faire valoir par sa singularité et sa différence.
Pour le reformuler, le projet de thèse questionnait le fait d’exprimer un éthos national dans une institution qui s’efforce de faire prévaloir un intérêt collectif sur les particularismes nationaux mais qui offre en même temps une caisse de résonance aux identités nationales. En quoi l’image de soi pourrait-elle influencer l’image de l’autre ? Et finalement, est-ce le cas aux Nations Unies ? Le contexte institutionnel international - qui ne peut répondre à l’impératif de légitimation du groupe qu’en effaçant toute forme de conflictualité - mène-t-il à renoncer aux intérêts particuliers afin de penser « monde » ?
Un des intérêts majeurs de ces travaux est qu’ils étudient des discours émanant d’hommes politiques, dans une enceinte institutionnelle internationale. Le discours politique, qui est nécessairement soumis, en démocratie, à des contraintes de représentation nationale se trouve confronté au discours institutionnel qui, lui, doit répondre à un impératif de légitimation du groupe et de valorisation du consensus. Nous souhaitons observer l’influence des modalités propres à l’institutionnel sur le politique. Quels types de contraintes s’exercent sur un discours prononcé à l’ONU ?
Pour répondre à ces interrogations, pour comprendre l’image des Etats membres de l’Organisation dans leurs rapports avec celle-ci, nos travaux prévoyaient de s’intéresser à deux types de discours. D’une part les discours institutionnels de l’ONU en tant que tout (discours de l’Onu), et d’autre part les discours politiques émanant des Etats membres et prononcés en son sein (discours à l’Onu), lors des débats généraux qui ouvrent chaque session annuelle de l’assemblée générale.
Les discours de l’Onu choisis sont ceux prononcés par le secrétaire général, en tant que figure principale incarnant et représentant l’organisation. Ce choix répondait aussi au souci de cohérence avec les discours de l’assemblée générale. C’est ainsi que nous avions visé les rapports annuels sur l’activité de l’organisation ; et les allocutions du secrétaire en ouverture des débats généraux. Quant aux discours à l’Onu, les pays choisis s’élevaient initialement au nombre de 12 dont ceux de la zone euro-méditerranéenne et ceux d’Afrique centrale. Il s’agissait de la France, l’Espagne, l’Italie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Centrafrique, le Congo, la Guinée équatoriale, le Cameroun, le Tchad et le Gabon. Ce choix avait paru intéressant dans la mesure où il aurait permis d’exploiter des contrastes intéressants entre des pays ayant des situations bien différentes, pour une étude comparative. Ainsi, nous avions des pays jeunes et des pays ayant une longue histoire nationale, des anciennes colonies et des anciennes métropoles, des pays développés et des pays en voie de développement, des pays ayant la Méditerranée en partage mais des intérêts souvent opposés, des pays africains ayant des frontières communes mais un poids et une situation géopolitique bien différents. L’intervalle de temps visé était de 16 ans, de 1998 à 2014, une période permettant d’exploiter des évènements marquants survenus dans le monde et susceptibles d’affecter les différents discours (sommet du millénaire, attentats du 11 septembre, deuxième guerre du Golfe, crise financière, Tsunami, séisme d’Haïti…).

Cependant, au fur et à mesure de l’avancée de nos travaux, les recherches sur le corpus ont progressivement mené à sa modification. En effet, pour des raisons de non-fiabilité et parfois de non-disponibilité des traductions, le corpus a été restreint aux discours émanant de pays francophones et initialement prononcés en français. C’est ainsi qu’ont été éliminés l’Espagne, l’Italie, tout le Maghreb et la Guinée équatoriale, qui ont été remplacés par la Belgique, le Luxembourg, la Suisse et la République Démocratique du Congo. Ce qui nous mène, dans une plus grande cohérence, à avoir deux groupes de pays, tous francophones, et un corpus dans lequel on peut exploiter les contrastes entre Afrique noire et Europe occidentale et entre pays anciennement colonisateurs et pays n’ayant jamais eu de colonies.

Voir en ligne : Theses.fr

publié par Damon Mayaffre - mis à jour le